On appelle cela une dérive urbaine. Selon Guy Debord, les personnes qui se livrent à la dérive renoncent pour une durée plus ou moins longue aux raisons de se déplacer et d’agir qu’elles se connaissent généralement […], pour se laisser aller aux sollicitations du terrain et des rencontres qui y correspondent.

Premières impressions

En cet après-midi de novembre, le temps est frais et couvert. Arrivant de la rue de Belleville, nous découvrons la rue Dénoyez par sa partie nord.

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Les graffs, qui semblent avoir conquis les façades, paraissent avoir opéré des progressions successives, comme de mystérieux lichens artificiels, recouvrant lentement mais inexorablement murs et portes, pour finir peut-être un jour par recouvrir toutes les surfaces visibles, et jusqu’à s’introduire à l’intérieur des logements.

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Habituellement, de telles interventions sont perçues comme les signes distinctifs de zones abandonnées, vagues et mortes, livrées à la libre expression d’artistes de rue qui profitent des nuits désertes pour intervenir en toute sécurité.

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Mais ici, la vie est bien présente, les rues sont propres et quelques passants empruntent ce passage, paisiblement et sans hâte, rejoignant la rue de Belleville ou bien, à l’autre extrémité, la rue Ramponeau ; les potelets sont astucieusement végétalisés et décorés. Les devantures ne sont ni vides ni fracturées, certains commerces sont même en activité. D’autres ont leur rideau métallique baissé et couvert de motifs occultes, mais elles semblent seulement endormies, dans l’attente du soir où elles reprendront vie et lumières.

Description de la rue

La rue a une orientation nord-sud et fait un peu plus de 150m de long. La partie dédiée à la circulation automobile fait un peu plus de 3 mètres de large, bordée de chaque côté par une rigole de 0,5 mètre et un trottoir d’un mètre. Une série de potelets sépare la rue proprement dite du trottoir de chaque côté. L’ensemble est pavé. Nous notons la présence d’un bâtiment en R+1, témoin du passé faubourien de Belleville.

La rue de Belleville, ses potelets et un batiment en R+1

Nous avons noté la présence de logements sociaux sur la façade ouest de la rue, dont la résidentialisation a été effectuée à l’aide de haute clôture. La partie entre la clôture et l’immeuble consiste simplement en un espace stérile, inaccessible aux occupants et seulement agrémenté de quatre bouleaux.

Vue sur la résidence sociale de la rue Dénoyez

Passé le carrefour avec la rue Lemon, la façade de la nouvelle piscine occupe une grande partie de la partie est de la rue. A l’ouest la façade est entièrement dévolue aux graffs, provoquant un contraste fort avec la piscine neuve et immaculée située juste en face. Un autre bâtiment en cours de rénovation occupe le coin ouest du carrefour avec la rue Ramponeau.

Rue Dénoyez, côté piscine

Usage de l’espace public

A cette heure de la journée, il y a peu de passage dans la rue. Seule sa partie centrale est animée par la présence du bistrot “Café des délices”. Pour le reste, nous notons la présence de quelques piétons. Certains ne font qu’emprunter la rue dans le cadre de leur déplacement, d’autres sont des amateurs de graffs, les derniers sont des habitants rentrant chez eux.

Habitants de la rue Dénoyez

L’ambiance est paisible par rapport à celle rencontrée juste à côté dans la rue de Belleville.

La rue Dénoyez depuis la rue de Belleville

Les graffs ne sont pas les seules créations artistiques à se déployer dans la rue. L’usage des très nombreux potelets a été détourné pour les transformer en bacs à fleurs, certains recouvert de peinture, d’autres de mosaïques. Ces plantations sont complétées par une potée sur roulette, sorte de petit bout de terrain vague végétale mobile.

Végétalisation prenant les potelets comme support

En continuant notre promenade vers le sud, nous arrivons au carrefour avec la rue Lemon, où se trouvent le bistrot “Café des délices” que nous avons déjà évoqué. En ce milieu d’après-midi, c’est le point d’animation et de vie. Nous supposons que la rue s’anime beaucoup plus en soirée, il faudra refaire une promenade à un horaire plus tardif pour vérifier cela…

Notes:

[1]  Les beaux dessins qui illustrent ce billet sont de Cyril, merci à lui de m’avoir autoriser à les reproduire ici.